Wednesday, 10 March 2010

Notes d'Acadie, post-Copenhague -- par Sylvie van Brabant

Cet extrait de son blogue sur Parole citoyenne est publié avec la permission de l'auteure, dont le documentaire Visionnaires planetaires / Earthkeepers: a Survival Guide for a Planet in Peril (82 min) qui a déjà gagné plein de prix, sortira à la fin du mois en DVD. Je le recommande à tous: pour ses visuels, pour son tour du monde écolo, pour son commentaire rap, pour sa belle trame musicale et pour l'espoir qu'il nous donne. Entre autres, on y voit le jeune militant québécois Mikael Rioux, le sage Christian de Laet, des éco-practiciens d'Alternative Development aux Indes, la «nouvelle alchimie» de la purification naturelle de John et Nancy Todd, le Suédois Karl-Henrik Robèrt (philosophe de l'Étape Naturelle), enfin la bouillante Wangari Maathai, Prix Nobel de la paix et fondatrice du Green Belt Movement au Kenya. La réalisatrice Sylvie van Brabant, originaire de St Paul en Alberta, nous a donné un bonne douzaine de films. Son prochain portera sur les choix énergiques; il s'intitule Québec au courant. Elle s'engage aussi dans un campagne de relancement éco post-Copenhague.
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3 mars 2010. Hier, jour de tempête en Acadie. Je ne suis pas chanceuse, la dernière fois que je suis venue présenter un film à Moncton il y avait eu la tempête du siècle et la projection avait été annulée. Hier soir une quinzaine de personnes ont bravé la tempête pour venir voir Visionnaires planétaires à l’Université de Moncton. Le projecteur du E Cinéma à même lâché, mais heureusement, j’avais une copie DVD du film dans mon sac. Ce n’était pas du HD mais au moins les gens ne sont pas repartis bredouille.

L’auditoire comprenait bien la lutte de Mikael [Rioux] pour la Trois-Pistoles et m’a fait découvrir un des gros dossiers environnementaux du coin, la rivière Petitcodiac. Ça fait 20 ans qu’un groupe de citoyens se bat pour retrouver leur rivière, des centaines de rapports ont été rédigés à travers les années. Le groupe a fini par gagner ; ce printemps, les vannes vont s’ouvrir et la rivière va retrouver son lit pour remplacer ce ruisseau brun qui me paraissait assez nauséabond lorsque je l’ai traversé en rentrant à Moncton.

Un spectateur nous a parlé d’un nouveau rapport sorti ces derniers jours qui signalerait le danger des réacteurs CANDU. Vendu à la population sous le signe de la sécurité absolue, ils ne seraient pas plus sécuritaires que Tchernobyl et le gouvernement nous aurait en plus caché des choses. On sentait la colère et il se demandait comment arriver à cet équilibre entre la colère et l’espoir. La grande question de la soirée : pourquoi les gens ne réagissent pas aux abus corporatifs. ? Pourquoi la population abdique son pouvoir aux gouvernements, préférant demeurer impuissante devant des décisions prises en son nom.

Cette question me hante. Des batailles ont été longuement menées pour gagner nos droits et notre sécurité. L’état providence nous offre maintenant son grand filet de sécurité. Est-ce que nous serions devenu comme des enfants, laissant les Grands décider de notre sort ? Je pose la question, je n’ai pas de réponse. Présentement je lis Changer le monde de Chico Whitaker, le cofondateur du Forum Social Mondial. J’apprécie les principes du FSM et leur décision de ne pas être directif, de ne pas sortir un document final à la fin de chaque forum, de tenter de faire autrement. Le FSM est un espace ouvert, s’appuyant sur la non-directivité et encourageant l’auto-organisation et l’autogestion. Une espace de discussion se voulant horizontal, invitant la diversité et le pluralisme. Whitaker évoque une nécessaire transformation personnelle. Nous ne pouvons pas rêver de changer la société si nous n’avons pas d’abord examiner notre propre cour.

Je suis maintenant à l’aéroport et j’ai hésité devant le marchand de poissons, un petit homard pour le retour, des huîtres ? Je ne pouvais pas m’empêcher de penser à ce spectateur de Caraquet qui évoquait la surpêche et la mer qui se vide. Je le sais trop bien, j’ai lu les rapports du PNUE en cette année de la biodiversité. Alors j’ai opté pour trois livres et deux revues, de quoi nourrir mes réflexions. Un livre sur l’ascension du dieu argent, un autre sur le capitalisme qui crée à la fois la faim dans le monde et l’obésité. Je sens pointer à l’horizon des nouveaux sujets de film. Par contre, à voyager comme je le fais, je vais avoir une grosse facture en compensation de carbone cet année. Carbone Boréal pourra planter des arbres en mon nom, de quoi compenser mes voyages et mes lectures.

Ta fidèle chroniqueuse qui rêve à un monde durable.
L'image de fin de son film Visionnaires planétaires (ONF 2009)

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