Tuesday 11 March 2008

Taisez-vous, pauvre conne: besoin d'une loi anti-SLAPP?

Photo: cleanclothes.org
Selon AQLPA: l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique et ATTAC-Québec, tout citoyen qui proteste contre les abus environnementaux risque d’être l’objet de poursuites intimidantes et coûteuses, connues sous le nom de SLAPP (Strategic Lawsuits Against Public Participation) qui visent à bâillonner l’opposition.

En mars 2006 un communique d'AQLPA annonce qu'elle, avec d'autres, est poursuivie pour 5 millions de dollars par la AIM (American Iron & Metal), après avoir obtenu une injonction forçant le ferrailleur à stopper d’importants travaux entrepris illégalement, tel que reconnu par le tribunal. Au point que l'existence même de l'organisme écolo est menacée. C'est loin d'être le seul cas du genre.

La Colombie Britannique, ainsi que 24 états américains, ont adopté une loi anti-bâillon. Car depuis quelques années les grandes corporations et leurs avocats ont bien appris à museler le citoyen. On souvient qu'au Canada le géant Monsanto a attaqué au petit fermier Percy Schmeiser, et qu'un aîné algonquin se trouve actuellement en prison pour avoir protesté un mine d'uranium en Ontario.

Et que fait le gouvernement du Québec? Rien. Appuyé du Barreau du Québec qui dit formellement qu'il n'y a pas de "nécessité" (Le Devoir 21 février 2008). Pourtant un comité d'étude du barreau avait dit l'exacte contraire l'année passée: une loi s'impose ! D'un côté, le célèbre juriste des droits humains Julius Grey réclame une loi anti-SLAPP permettant au juges de rejeter cet abus "maintenant répandu" de la loi, qui mène à "l'impuissance des petits à se défendre contre les biens nantis". De l'autre, Michel Bélanger, spécialiste en droit d'environnement, prétend qu'il faut simplement "modérer son discours" pour éviter des "problèmes".

Citons un article "Des écolos devant les tribunaux" paru dans la revue Franc-Vert de Nature Québec en 1994. "Ce moyen d'intimidation, auquel recourent de plus en plus de promoteurs de projets, est en vogue aux États-Unis depuis le milieu des années 80," dit l'auteur Clôde de Guise, qui note déjà plusieurs cas au Québec. Cette article (voir le texte complet) reste aussi à propos qu'il y a 14 ans:

Selon Yves Corriveau, avocat au Centre québécois du droit de l'environnement. «Les promoteurs sont des gens ambitieux et organisés. Lorsqu'ils se lancent dans un nouveau projet, c'est à coup de centaines de milliers de dollars et souvent de millions de dollars. Cela explique parfaitement leur détermination à arriver à leurs fins... La diffamation se définit par le fait qu'on dévoile de l'information, qu'elle soit exacte ou erronée, dans l'intention de nuire à quelqu'un. [en d'autres mots, la vérité n'est pas une défense !] Par ailleurs, la mise en accusation est généralement doublée d'une injonction interlocutoire qui cloue littéralement le bec de l'accusé. Ensuite, le montant invoqué dans la poursuite est très élevé proportionnellement au préjudice réel. Et le tout se solde, plus souvent qu'autrement, par l'abandon des poursuites.»

Les cas cités démontrent assez clairement que ce sont les «grandes gueules» qu'on tente de museler. Certains écologistes vous diront même qu'une poursuite déposée contre eux serait une occasion en or de faire aux promoteurs un procès sur la place publique. «Mais il faut faire attention,
» rétorque Yves Corriveau. «Prendre la poursuite à la légère, c'est jouer avec le feu parce que ce type de procédures peut acculer à la faillite financière le groupe ou l'individu poursuivi.»

Voici quelques conseils pratiques pour éviter les poursuites...

  • suivre une formation sur la manière d'obtenir et de divulguer l'information en environnement sans être poursuivi;
  • bien connaître le promoteur et le projet;
  • éviter l'improvisation et la personnalisation (par exemple, ne pas traiter votre protagoniste de criminel et ne pas porter atteinte à sa réputation);
  • dénoncer des faits appuyés sur des preuves et, surtout, ne pas prêter d'intentions;
  • participer à un fonds monétaire collectif de soutien pour la défense des groupes et des individus poursuivis en environnement.
  • la première règle à suivre lorsqu'on est l'objet d'une poursuite pour libelle diffamatoire est de consulter un avocat pour établir qu'il s'agit bien, à première vue, d'un cas de diffamation. [Tout en se rappellant bien, comme on a observé ci-haut, que la vérité n'est pas une défense]
Et bonne chance!

Mise à jour 1 oct 2008: dossier SLAPP du RQGE. Malgré les vagues promesses du gouvernement québécois de les empêcher, les SLAPP continuent. Barrick gold réclame 6 millions $ de l' auteur de Noir Canada, Daniel Deneault, et de la maison d'édition qui 'a publie. Achetez-le! Plusieurs ONG qui ont mené enquête sur les mineurs tanzaniens ensévélis vifs en août 1996 appuient l'auteur. Ils demandent pleine divulgation des faits par les organisations financières du gouvernement canadien qui soutiennent Barrick.
"Faire taire les critiques" par Manon Corneiller Le Devoir 21 mai 08
SLAPP news in English on Seriously Free Speech; Canwest's suit against Briemberg; George Monbiot, "Censored by money".
3 juin 2009: l'Assemblée Nationale du Québec légifère contre les SLAPP. First anti-SLAPP law in Canada. Voir le bilan qu'en font des groupes écolos.

Le Couac sep 2011: le Cour Supérieur du Québec qualifie la poursuite d"Ecosociété par Barrick d'"abus procédural". Mais elle ne rejette pas la poursuite, conformément à la loi anti-baillon.
Le Devoir: acculés au mur par poursuites de Barrick et Banro, Denault et Ecosociété se rendent aux avocats miniers. Silence radio depuis 2011. En novembre 2012 apparaît un documentaire sur le SLAPP: Le prix des mots.

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